Par un arrêt en date du 15 mai 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur la légalité d’un certificat d’urbanisme négatif délivré par un préfet pour la régularisation d’un parc ludique. En l’espèce, une association avait sollicité un certificat d’urbanisme afin de déclarer réalisables les installations de son parc, déjà édifiées sur le territoire d’une commune. Par un arrêté du 30 juillet 2020, le préfet compétent a refusé de faire droit à cette demande en délivrant un certificat négatif. Saisi par l’association, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le recours en annulation contre cette décision par un jugement du 22 avril 2022. L’association a interjeté appel de ce jugement, contestant les motifs de la décision préfectorale. L’enjeu juridique principal consistait à déterminer si l’autorité administrative pouvait légalement fonder son refus sur une application cumulative des règles générales de constructibilité limitée et des dispositions spécifiques aux zones de montagne, tout en invoquant un risque pour la sécurité publique. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, estimant que, bien que le préfet se soit fondé sur des dispositions législatives inapplicables, le motif tiré du risque d’inondation justifiait à lui seul la décision de refus. Cette décision clarifie l’articulation des normes d’urbanisme applicables en zone de montagne (I), tout en confirmant la primauté du motif de sécurité publique dans l’appréciation de l’autorité administrative (II).
I. La clarification de l’articulation des normes d’urbanisme en zone de montagne
La cour administrative d’appel a procédé à une rectification du raisonnement juridique suivi en première instance en précisant le champ d’application respectif des règles d’urbanisme. Elle a ainsi écarté les dispositions générales de constructibilité au profit du droit spécial applicable aux zones de montagne (A), avant de confirmer que le risque pour la sécurité publique constituait un fondement autonome et suffisant pour justifier le refus (B).
**A. L’éviction des règles générales de constructibilité au profit du droit spécial**
Le juge d’appel rappelle que la commune d’implantation du projet est classée en zone de montagne, ce qui emporte des conséquences déterminantes quant au droit applicable. En effet, le préfet avait motivé en partie son refus par la méconnaissance des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l’urbanisme, qui posent le principe de constructibilité limitée en l’absence de document d’urbanisme. Or, la cour censure ce fondement en relevant que les dispositions spécifiques aux zones de montagne, prévues aux articles L. 122-5 et suivants du même code, ont une portée exclusive. Elle juge que « `Ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée (…), à l’exclusion des dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4` ». Le motif tiré de la violation de ces derniers articles est donc « entaché d’une méconnaissance du champ d’application de la loi ». Par conséquent, l’argumentation de l’association requérante, selon laquelle son projet relevait des dérogations prévues à l’article L. 111-4, devient logiquement sans objet et est qualifiée d’inopérante par la cour. Cette analyse réaffirme la primauté de la loi spéciale sur la loi générale et impose à l’administration une application rigoureuse des régimes juridiques propres à chaque type de territoire.
**B. La consécration de la sécurité publique comme fondement autonome du refus**
Malgré l’illégalité affectant l’un des motifs de la décision préfectorale, la cour administrative d’appel a maintenu le rejet de la requête. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur le principe de la substitution de motif, en considérant que la décision aurait été identique si elle s’était fondée sur le seul motif tiré de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Ce dernier permet de refuser un projet « s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». En l’espèce, le préfet avait identifié un risque d’inondation, s’appuyant sur un porter à connaissance et des avis techniques convergents. La cour valide cette approche en jugeant que l’autorité administrative « `n’a pas commis d’erreur de fait en considérant que les parcelles concernées par le projet sont situées en zone d’aléa fort` ». L’existence d’un risque avéré pour la sécurité publique suffit donc à justifier légalement le certificat d’urbanisme négatif, indépendamment des autres considérations d’urbanisme. Cette solution illustre la solidité du motif de sécurité publique, qui peut à lui seul fonder une décision de refus, même en présence d’autres motifs erronés en droit.
II. La réaffirmation de l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’administration
Au-delà de la stricte application des règles de droit, l’arrêt met en lumière l’étendue du pouvoir discrétionnaire de l’administration lorsqu’elle est confrontée à un enjeu de sécurité. Le juge exerce un contrôle rigoureux sur l’évaluation du risque (A), mais se refuse à censurer le choix de l’administration de ne pas recourir à des mesures alternatives comme les prescriptions spéciales (B).
**A. Une appréciation stricte du risque au détriment de la faisabilité du projet**
L’arrêt témoigne de la minutie avec laquelle le juge administratif examine les éléments factuels ayant conduit l’administration à identifier un risque. La cour ne se contente pas d’une affirmation générale, mais s’appuie sur des pièces techniques précises, notamment une étude de 1995 et un avis de 2020 qui confirment l’exposition du terrain à un « `risque de crue torrentielle d’aléa fort` ». Elle prend également en compte la nature des installations projetées, décrites comme des « éléments légers et démontables », qui pourraient aggraver les conséquences d’une crue par le « `charriage des corps flottants` ». En validant cette analyse, le juge reconnaît que la matérialité et la gravité du risque étaient suffisamment caractérisées pour que le préfet, sans commettre d’erreur d’appréciation, refuse le projet. Cette approche pragmatique confère un poids considérable aux expertises techniques et restreint la marge de manœuvre du pétitionnaire pour contester une décision fondée sur des motifs de sécurité solidement étayés.
**B. Le refus de contrôler l’opportunité de recourir à des prescriptions spéciales**
L’association requérante soutenait que le préfet aurait dû envisager d’assortir le projet de prescriptions spéciales, comme le permet l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, plutôt que de le refuser purement et simplement. La cour écarte cet argument de manière péremptoire, jugeant que l’association « ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir » une telle prétention. Cette formulation révèle que, face à un risque qualifié « d’aléa fort », le choix de l’administration entre le refus et l’autorisation sous conditions relève de son pouvoir d’opportunité et échappe largement au contrôle du juge. La faculté d’édicter des prescriptions n’est pas une obligation, et le juge se garde de substituer son appréciation à celle de l’autorité compétente sur la question de savoir si un risque majeur peut être suffisamment prévenu par de simples aménagements. La portée de cette décision est claire : elle consacre une très large liberté d’appréciation de l’administration dans la gestion des risques naturels les plus sérieux, la sécurité publique primant sur la réalisation des projets d’aménagement.