Cour d’appel administrative de Toulouse, le 13 mars 2025, n°23TL01047

Par un arrêt en date du 13 mars 2025, la cour administrative d’appel de Toulouse s’est prononcée sur la qualification de revenus distribués appliquée à des sommes inscrites en compte courant d’associé ainsi qu’à des avantages en nature. En l’espèce, deux partenaires soumis à une imposition commune ont fait l’objet d’un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011, 2012 et 2013. L’administration fiscale a procédé à des rehaussements d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, notamment en raison de dépenses personnelles prises en charge par une société et de la mise à disposition gratuite d’un logement. Les contribuables ont contesté ces rehaussements devant le tribunal administratif de Nîmes, qui a rejeté leur demande par un jugement du 17 février 2023. Ils ont alors interjeté appel de cette décision, contestant la régularité de la procédure, le bien-fondé des impositions et les pénalités pour manquement délibéré appliquées par l’administration. Il appartenait ainsi aux juges d’appel de déterminer si des sommes inscrites au crédit des comptes courants d’associés et l’usage d’un bien social pouvaient être qualifiés de revenus distribués en l’absence de preuve contraire apportée par les contribuables. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, confirmant intégralement la position de l’administration et le jugement de première instance. Elle a considéré que les sommes inscrites aux comptes courants constituaient bien des revenus distribués et que les contribuables ne rapportaient pas la preuve qui leur incombait pour renverser cette présomption. De même, elle a écarté l’application d’une décote sur l’avantage en nature et a validé le caractère délibéré du manquement.

La décision de la cour administrative d’appel de Toulouse illustre l’application rigoureuse des présomptions légales en matière de revenus distribués, tant pour les sommes inscrites en compte que pour les avantages occultes (I). En conséquence, cette approche justifie une confirmation logique des pénalités pour manquement délibéré, l’intention des contribuables étant déduite de la nature et de l’ampleur des omissions (II).

I. L’application rigoureuse de la présomption de distribution

La cour confirme la qualification de revenus distribués en s’appuyant strictement sur le mécanisme probatoire de l’article 109 du code général des impôts, que ce soit pour des dépenses courantes ou pour une opération comptable complexe (A). Elle adopte une position tout aussi stricte concernant l’évaluation d’un avantage en nature, refusant de reconnaître une nécessité de service non démontrée (B).

A. La charge de la preuve comme clé de la taxation des comptes courants

En vertu de l’article 109 du code général des impôts, les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé sont réputées constituer des revenus distribués. Il appartient à l’associé qui entend contester cette qualification de rapporter la preuve que ces sommes n’ont pas été à sa disposition ou qu’elles ne correspondent pas à un revenu. L’arrêt commenté fait une application classique de ce principe à deux séries de rehaussements. D’une part, concernant des dépenses personnelles prises en charge par une société, les requérants ne parviennent pas à démontrer que « la situation de trésorerie de la société a fait obstacle au prélèvement de ces sommes tout au long des années en litige ». La simple production de bilans ne suffit pas à établir une impossibilité matérielle de percevoir les fonds.

D’autre part, et de manière plus significative, la cour examine le transfert d’une somme de 162 633,45 euros vers le compte courant d’un des associés. Les requérants soutenaient qu’il s’agissait du remboursement d’un prêt entre eux, affecté par une simple erreur comptable. La cour rejette cette argumentation en constatant l’absence totale de support probant, relevant que « les intéressés n’ont produit aucune convention de prêt ni aucun échéancier permettant de justifier de l’existence d’un prêt ». Un virement tardif, opéré bien après le contrôle fiscal, ne saurait suffire à matérialiser l’existence d’un tel contrat. La décision réaffirme ainsi que les écritures comptables, si elles peuvent être contestées, nécessitent pour cela des preuves tangibles et contemporaines des faits.

B. Le rejet d’une décote pour nécessité de service non établie

Au-delà des sommes inscrites en compte, l’administration a qualifié de revenu distribué la mise à disposition gratuite d’un appartement au profit des associés. L’existence de cet avantage en nature n’était pas contestée, mais les requérants sollicitaient l’application d’une décote de 30 % pour nécessité de service, arguant que la présence du gérant était indispensable à l’activité de location para-hôtelière.

La cour analyse concrètement les faits pour écarter cette demande. Elle constate le caractère très limité de l’activité de location, qui ne portait que sur quelques nuitées ou un mois par an pour l’appartement principal. Dans ces conditions, elle estime que « la présence dans les locaux de M. E… ne saurait être regardée comme rendue nécessaire par l’activité de la société ». L’arrêt souligne ainsi que la nécessité de service ne peut se présumer du seul statut de gérant. Elle doit découler d’une contrainte réelle et substantielle imposée par l’activité effective de l’entreprise, ce qui n’était manifestement pas le cas en l’espèce. Le refus d’appliquer la décote repose donc sur une appréciation souveraine des faits, qui prive l’avantage de toute justification professionnelle.

L’ensemble de ces rehaussements étant confirmé sur le fond, la cour devait logiquement se prononcer sur le caractère intentionnel des omissions déclaratives.

II. La confirmation justifiée du manquement délibéré

La cour valide l’application des pénalités de 40 % en se fondant sur un faisceau d’indices révélant l’intention des contribuables d’éluder l’impôt (A). Cette sévérité est complétée par un rejet de la critique procédurale, jugée trop imprécise pour être accueillie (B).

A. La caractérisation de l’intention frauduleuse par faisceau d’indices

L’article 1729 du code général des impôts prévoit l’application d’une majoration de 40 % lorsque le contribuable a délibérément manqué à ses obligations déclaratives. La charge de la preuve de l’élément intentionnel pèse sur l’administration. Dans cette affaire, la cour estime cette preuve rapportée. Elle ne se fonde pas sur un seul manquement, mais sur la convergence de plusieurs éléments.

Elle retient ainsi « le nombre important de rehaussements », le caractère manifestement personnel de certaines dépenses, l’absence de justification pour l’opération de prêt alléguée et, enfin, l’omission de déclarer un avantage en nature portant sur un « appartement luxueux ». Pour la cour, l’accumulation de ces faits démontre que les contribuables ne pouvaient ignorer le caractère imposable des revenus qu’ils percevaient. Cette approche par faisceau d’indices est classique en la matière et permet d’établir le manquement délibéré sans avoir à sonder les intentions profondes du contribuable. La cour considère que « l’administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l’intention délibérée des intéressés de se soustraire à l’impôt ».

B. L’irrecevabilité d’une critique procédurale insuffisamment étayée

Les requérants soulevaient enfin une irrégularité de la procédure d’imposition. Ils alléguaient que l’administration se serait fondée sur des éléments obtenus lors de la vérification de comptabilité d’une de leurs sociétés avant même que celle-ci ne reçoive une proposition de rectification. Cet argument visait à contester la loyauté de la procédure et le respect des garanties du contribuable.

La cour écarte ce moyen de manière pragmatique, en relevant que « les intéressés ne précisent pas de quels éléments comptables (…) l’administration fiscale se serait servie ». En d’autres termes, l’allégation est jugée trop générale pour permettre au juge d’exercer son contrôle. Il ne suffit pas d’invoquer une irrégularité ; encore faut-il identifier précisément les actes ou les pièces qui en seraient entachés. Cet attendu rappelle une exigence fondamentale du contentieux fiscal : la critique, pour être opérante, doit être précise et circonstanciée. Faute de quoi, elle est écartée sans même que le juge ait à examiner le bien-fondé du grief, ce qui clôt définitivement le litige au détriment des requérants.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture