Cour d’appel administrative de Paris, le 25 septembre 2025, n°23PA04927

Par un arrêt en date du 25 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur les critères de soumission à la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux en Île-de-France. En l’espèce, un établissement public s’est vu notifier des suppléments de taxe au titre des années 2015 et 2016 pour un immeuble dont il est propriétaire. L’administration fiscale avait réintégré dans l’assiette de l’impôt plusieurs surfaces que le propriétaire estimait devoir en être exclues, notamment des ateliers, des locaux d’archives, des espaces de circulation ainsi qu’une rotonde et un auditorium.

Saisi d’une demande en décharge de ces impositions, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête par un jugement du 3 octobre 2023. L’établissement public a interjeté appel de cette décision, maintenant que les surfaces litigieuses ne répondaient pas à la définition de locaux à usage de bureaux au sens de l’article 231 ter du code général des impôts. En cours d’instance, l’administration a accordé un dégrèvement partiel concernant une partie des archives, réduisant ainsi l’étendue du litige. Se posait alors à la cour la question de savoir si des locaux tels que des ateliers non aménagés, des archives ou des espaces à vocation culturelle doivent être qualifiés de locaux à usage de bureaux ou de leurs dépendances immédiates et indispensables, et dans quelles conditions le tarif réduit de la taxe peut trouver à s’appliquer.

La cour administrative d’appel rejette la requête pour le surplus. Elle juge que les locaux en cause ne peuvent bénéficier des exonérations prévues par la loi fiscale, faute pour le requérant de prouver qu’ils faisaient l’objet d’un aménagement spécial pour une activité exonérée ou qu’ils n’étaient pas des dépendances directes des bureaux. Elle écarte également l’application du tarif réduit pour des surfaces mises à la disposition d’organismes tiers. La solution affine ainsi les conditions d’assujettissement à la taxe en se fondant sur une appréciation factuelle rigoureuse des critères légaux (I), tout en précisant la portée des régimes dérogatoires quant au tarif applicable (II).

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I. L’appréciation restrictive des critères d’assujettissement à la taxe

La cour administrative d’appel, pour déterminer la surface imposable, a examiné avec précision la nature des locaux litigieux. Elle a ainsi adopté une interprétation stricte de la notion d’aménagement spécial (A), tout en confirmant que les dépendances immédiates des bureaux restaient dans le champ de l’imposition (B).

A. L’interprétation stricte de la notion d’aménagement spécial

L’article 231 ter du code général des impôts exonère de taxe les locaux « spécialement aménagés » pour des activités spécifiques, notamment culturelles ou d’archivage. Le requérant soutenait que plusieurs de ses locaux entraient dans ce cadre. Toutefois, la cour a écarté cet argument en se fondant sur une analyse concrète des faits, plaçant la charge de la preuve sur le contribuable.

Concernant les ateliers, la cour relève qu’il résulte de l’instruction que ceux-ci sont « des locaux vides dépourvus de tout aménagement ». Cette constatation factuelle suffit à écarter l’exonération, la simple destination théorique des lieux étant inopérante. De même, pour la rotonde et l’auditorium, bien que le propriétaire ait affirmé y exercer des activités à caractère éducatif ou culturel, la cour juge qu’il « n’établit pas, par les quelques photographies versées à l’instruction, que la rotonde et l’auditorium avaient fait l’objet d’un aménagement spécial en vue d’accueillir de telles activités ». La décision souligne ainsi que l’intention ou l’usage ponctuel ne peuvent suffire ; seul un aménagement matériel, permanent et spécifique à une activité exonérée permet de sortir un local du champ de la taxe. Cette approche pragmatique renforce la sécurité juridique en liant l’exonération à des critères objectifs et vérifiables, plutôt qu’à des déclarations d’intention.

B. Le maintien des dépendances dans le champ de l’imposition

La qualification de locaux taxables s’étend aux « dépendances immédiates et indispensables » des bureaux. Le requérant contestait l’inclusion de certains locaux d’archives et des voies de circulation en affirmant leur autonomie par rapport aux bureaux.

Là encore, la cour fait peser la charge de la preuve sur le contribuable. Pour les locaux d’archives du premier sous-sol, elle note que le propriétaire « n’établit pas que les archives du 1er sous-sol ne constituaient pas des dépendances immédiates des bureaux situés au même étage et dont certains étaient directement accessibles depuis ces bureaux ». Le critère de l’accessibilité directe apparaît ici déterminant pour présumer du lien de dépendance. Faute de preuve contraire, le local est réputé constituer une annexe taxable. Cette logique est étendue aux voies de circulation, leur taxation découlant directement du caractère imposable des locaux qu’elles desservent. La solution confirme que la notion de dépendance s’apprécie avant tout sous un angle fonctionnel et matériel, un local physiquement proche et utile à l’activité principale d’un bureau étant par défaut considéré comme taxable.

Au-delà de la surface imposable, le litige portait également sur le montant de la taxe applicable, question que la cour tranche avec une égale rigueur.

II. La portée limitée des conditions d’application des tarifs dérogatoires

La cour a également été amenée à se prononcer sur le bénéfice du tarif réduit et sur la portée de la doctrine administrative invoquée par le requérant. Elle confirme une application stricte des conditions d’éligibilité au tarif réduit (A) et rappelle la place de la doctrine dans la hiérarchie des normes fiscales (B).

A. Le refus d’extension du tarif réduit aux locaux mis à disposition de tiers

L’article 231 ter du code général des impôts prévoit un tarif réduit pour les locaux possédés par certains organismes publics ou associatifs « dans lesquels ils exercent leur activité ». L’établissement public requérant soutenait pouvoir bénéficier de ce tarif pour des locaux mis à disposition de plusieurs syndicats professionnels, arguant que cette mise à disposition relevait de sa propre mission de soutien.

La cour rejette ce raisonnement en opérant une distinction claire entre l’activité de l’organisme propriétaire et celle exercée au sein même des locaux. Elle juge que l’activité de soutien du propriétaire « ne peut être regardée comme étant exercée au sein des locaux mis à la disposition de ces organismes ». C’est bien l’activité de l’occupant effectif qui doit être prise en compte. Par conséquent, dès lors que les syndicats tiers exerçaient leur propre activité dans les locaux, le propriétaire ne pouvait prétendre au bénéfice du tarif réduit pour ces surfaces. Cette solution préserve la lettre du texte et évite une extension du régime de faveur à des situations où l’organisme éligible n’est qu’un simple bailleur, même si la location s’inscrit dans le cadre de sa mission générale.

B. L’inefficacité de l’invocation de la doctrine administrative

À plusieurs reprises dans son argumentation, le requérant s’est prévalu de la doctrine administrative publiée au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOI) pour justifier l’exonération de certains locaux. La cour écarte systématiquement cette argumentation, illustrant la portée limitée de la doctrine en contentieux.

Pour les locaux techniques, elle juge que les faits de l’espèce ne correspondent pas aux hypothèses visées par la doctrine. Pour les archives, elle estime que la preuve n’est pas rapportée que les locaux remplissent les conditions posées par cette même doctrine. Enfin, s’agissant de l’auditorium et de la rotonde, la cour relève que la doctrine invoquée est postérieure aux années d’imposition et, en tout état de cause, « ne donne pas à la loi une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ». Cette dernière formule rappelle un principe fondamental du droit fiscal : la doctrine n’est opposable à l’administration que si elle ajoute à la loi une interprétation plus favorable au contribuable. Elle ne constitue pas une source de droit autonome et ne saurait prévaloir contre une application stricte du texte de loi par le juge de l’impôt.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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