En l’espèce, une cour administrative d’appel était saisie d’un litige relatif à la légalité d’un permis de construire accordé pour l’extension et la rénovation d’une maison d’habitation, permis qui fut successivement modifié à deux reprises. Des voisins immédiats du projet avaient initialement saisi le tribunal administratif de Rennes, lequel avait prononcé une annulation seulement partielle de l’autorisation d’urbanisme initiale. Les juges de première instance avaient en effet considéré que seules deux illégalités entachaient le permis : une méconnaissance des règles du plan local d’urbanisme relatives au pourcentage d’espaces verts, ainsi qu’une violation des prescriptions architecturales du site patrimonial remarquable imposant l’usage de l’ardoise en toiture. Estimant ces vices régularisables, le tribunal avait fait application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, rejetant la demande d’annulation totale. C’est dans ce contexte que les requérants ont interjeté appel, contestant le caractère seulement partiel de l’annulation prononcée et demandant l’annulation de l’ensemble des autorisations, y compris des permis modificatifs délivrés, dont le second visait à purger les vices initialement sanctionnés. La question de droit qui se posait à la cour était donc double : d’une part, de déterminer si le projet, au-delà des illégalités relevées en première instance, était entaché d’autres vices justifiant son annulation totale et, d’autre part, d’apprécier la légalité et la portée des mesures de régularisation intervenues. Par sa décision, la cour administrative d’appel réforme le jugement de première instance en identifiant deux nouveaux vices de légalité, tirés de la violation des règles d’implantation et de stationnement. Toutefois, jugeant que ces vices supplémentaires sont eux-mêmes régularisables, elle ne prononce qu’une nouvelle annulation partielle, confirmant ainsi l’économie générale du projet sous réserve de nouvelles modifications.
La cour administrative d’appel, par une analyse approfondie des règles d’urbanisme locales, a identifié des illégalités substantielles que les premiers juges n’avaient pas relevées (I). Néanmoins, dans une logique pragmatique, elle a fait le choix de ne pas prononcer une annulation totale, confirmant de manière étendue le pouvoir de régularisation dont dispose le juge administratif (II).
I. L’identification de nouvelles illégalités substantielles du permis de construire
La cour a procédé à une requalification juridique du projet, ce qui l’a conduite à constater une violation des règles d’implantation (A). Elle a également sanctionné une méconnaissance manifeste des exigences relatives aux aires de stationnement (B).
A. La requalification du projet en construction neuve emportant violation des règles d’implantation
Les juges d’appel ont d’abord examiné la nature même des travaux autorisés. Alors que la demande de permis portait sur l’« extension et la rénovation » d’un bâti existant, la cour a relevé que « les surfaces de plancher créées sont de 93,41 m² » tandis que « les surfaces de plancher existantes avant travaux sont de 83,86 m² ». Se fondant sur le principe selon lequel, en l’absence de précision dans le plan local d’urbanisme, une extension doit présenter des dimensions inférieures à la construction principale, elle en a déduit que le projet s’analysait en réalité non comme une extension mais comme une nouvelle construction.
Cette requalification n’est pas sans conséquence. Elle a entraîné l’application d’un régime juridique plus contraignant, celui de l’article U 3 du règlement d’urbanisme applicable aux constructions neuves. À l’aune de ces dispositions, la cour a constaté que le projet méconnaissait l’obligation d’un recul minimal de cinq mètres par rapport à la voie publique. De plus, elle a relevé que « le long de la parcelle […] située en limite séparative ouest, il est prévu que la partie nouvelle à édifier de la construction sera située en limite séparative », en violation de la règle de retrait imposant une distance au moins égale à la moitié de la hauteur de la façade. La cour sanctionne ainsi une double violation des règles d’implantation, qui avait été écartée à tort par les premiers juges.
B. La censure de l’inaccessibilité des aires de stationnement
Le second vice de légalité identifié par la cour concerne l’aménagement des places de stationnement, régi par l’article U 6 du plan local d’urbanisme. Ce dernier exige que les emplacements soient « facilement accessibles et suffisamment dimensionnés », et que l’espace nécessaire à la manœuvre soit prévu sur la parcelle, en dehors des voies publiques. Or, les juges ont constaté que l’aménagement retenu par le pétitionnaire ne satisfaisait pas à cette exigence fonctionnelle.
En effet, la disposition des lieux, où l’une des places de stationnement était « directement placée devant le portail d’accès à la voirie publique », impliquait qu’elle ne soit pas occupée pour permettre l’accès aux deux autres places. La cour en a logiquement conclu que, pour ces deux dernières, « les utilisateurs ne disposent pas sur le terrain d’assiette du projet de la place nécessaire à la manœuvre pour se ranger, contrairement à que prévoit l’article U 6 du règlement du plan local d’urbanisme ». Cette appréciation factuelle et rigoureuse de l’accessibilité démontre que le respect des normes de stationnement ne se limite pas à la seule création d’un nombre suffisant d’emplacements, mais s’étend à leur praticabilité effective.
II. La confirmation étendue du pouvoir de régularisation du juge administratif
Malgré la constatation de ces vices multiples et significatifs, la cour d’appel n’a cependant pas prononcé l’annulation totale de l’autorisation, préférant une nouvelle fois ouvrir la voie à sa régularisation (A). Cette solution, tout en étant pragmatique, confirme une tendance jurisprudentielle qui ménage avant tout les intérêts du constructeur (B).
A. Le recours privilégié à l’annulation partielle malgré la multiplicité des vices
Conformément aux dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le juge administratif dispose de la faculté de ne prononcer qu’une annulation partielle ou de surseoir à statuer pour permettre la régularisation d’un vice entachant une autorisation. Dans le cas présent, la cour a estimé que les deux illégalités nouvelles, relatives aux règles d’implantation et de stationnement, « affectent des parties divisibles du projet et sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure de régularisation ». Elle ajoute que cette régularisation « n’implique pas nécessairement, en l’état des pièces au dossier, d’apporter au projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
Ce faisant, la cour opte pour une application très large de la notion de vice régularisable. La nécessité de modifier en profondeur l’implantation du bâtiment pour respecter les reculs et de réorganiser entièrement l’accès aux stationnements aurait pu être analysée comme un bouleversement substantiel. En jugeant le contraire, la décision témoigne de la volonté du juge de sauver le projet, même au prix de modifications importantes. Cette approche s’inscrit dans un courant jurisprudentiel visant à limiter les annulations totales, considérées comme économiquement préjudiciables.
B. La portée d’une solution pragmatique ménageant les intérêts du constructeur
La portée de cet arrêt réside dans le signal fort qu’il envoie quant à l’office du juge en contentieux de l’urbanisme. En confirmant la possibilité de régulariser des vices aussi structurants que la qualification même du projet et son implantation sur la parcelle, la cour réduit considérablement le champ des illégalités rédhibitoires. Cette solution est cohérente avec la position du législateur, qui a multiplié les outils visant à sécuriser les autorisations d’urbanisme.
Par contraste, la cour a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l’article U 4 relatif à la qualité architecturale et paysagère. Elle a estimé que, malgré son volume et sa proximité avec des maisons de caractère, le projet ne portait pas « atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants ». Cette appréciation plus souple, qui s’en remet notamment à l’avis de l’architecte des bâtiments de France, montre une hiérarchie dans le contrôle opéré : les règles techniques et dimensionnelles sont sanctionnées, mais dans le cadre d’une logique de régularisation, tandis que les critères plus subjectifs d’insertion paysagère sont appréciés avec une plus grande retenue. L’arrêt illustre ainsi une jurisprudence qui, tout en assurant le respect formel de la norme d’urbanisme, favorise in fine la réalisation des projets de construction.