Par une décision du 27 mai 2025, une cour administrative d’appel a précisé les modalités de contrôle de la légalité d’un permis de construire un immeuble collectif. En l’espèce, une commune avait autorisé la réalisation d’un projet immobilier de vingt-et-un logements en lieu et place d’une maison d’habitation existante. Des riverains du projet ont contesté cette autorisation, d’abord par des recours gracieux implicitement rejetés, puis devant le tribunal administratif. Le tribunal administratif de Rennes, par un jugement du 7 juin 2024, a écarté l’ensemble de leurs moyens et rejeté leur demande d’annulation. Les requérants ont alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que le permis de construire méconnaissait plusieurs dispositions du plan local d’urbanisme intercommunal relatives à l’implantation et à l’aspect des constructions, ainsi que les règles de desserte par les réseaux publics. Ils arguaient notamment que les règles d’implantation par rapport à la voie et aux limites séparatives n’étaient pas respectées. La question posée aux juges d’appel était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si le projet de construction respectait les prescriptions d’urbanisme locales, notamment quant à sa localisation précise sur la parcelle et son intégration dans l’environnement bâti. D’autre part, dans l’hypothèse où une illégalité serait constatée, il convenait de statuer sur l’étendue de la sanction à prononcer, à savoir une annulation totale ou partielle de l’autorisation d’urbanisme. La cour a rejeté la plupart des arguments des requérants, mais a relevé une illégalité tenant à la distance d’implantation d’une terrasse par rapport à une limite de propriété. Estimant ce vice régularisable et circonscrit à une partie identifiable du projet, elle a prononcé une annulation partielle du permis de construire, réformant ainsi le jugement de première instance. La décision illustre ainsi le contrôle détaillé opéré par le juge sur le respect des règles d’urbanisme (I), tout en confirmant la volonté de limiter la portée de la sanction lorsque le vice constaté n’affecte pas l’économie générale du projet (II).
I. Le contrôle méticuleux de la conformité de la construction au plan local d’urbanisme
La cour administrative d’appel examine avec une grande précision la conformité du projet aux règles d’implantation fixées par le plan local d’urbanisme intercommunal. Elle écarte une application trop contraignante des règles relatives à l’alignement sur la voie publique (A) avant de procéder à une application stricte des règles d’éloignement par rapport aux limites de propriété, ce qui la conduit à identifier une illégalité ponctuelle (B).
A. Le rejet d’une interprétation extensive des contraintes d’implantation
Les requérants soutenaient que le projet se situait dans une « séquence urbaine », ce qui aurait imposé son implantation selon l’alignement des constructions existantes. La cour écarte cette qualification en se fondant sur une analyse concrète du tissu bâti environnant. Elle constate que la rue comporte des bâtiments aux retraits variés, depuis une chapelle jusqu’à des immeubles et des maisons individuelles. Cette hétérogénéité la conduit à conclure à l’« absence d’unité visuelle, paysagère ou urbaine de cet ensemble bâti ». Faute de séquence urbaine caractérisée, la règle applicable devenait celle, plus souple, imposant un recul compris entre zéro et cinq mètres par rapport à la voie, une condition que le projet respectait. Cette approche pragmatique se retrouve dans l’analyse de l’insertion architecturale du projet. Le juge apprécie la qualité du site, qu’il estime dépourvu d’intérêt particulier, puis évalue l’impact de la construction. Il relève que la volumétrie, les matériaux choisis et le traitement paysager des abords permettent une intégration satisfaisante dans un environnement déjà urbanisé et hétérogène, écartant ainsi le grief d’atteinte aux lieux avoisinants.
B. L’application stricte des règles d’éloignement des limites séparatives
Le contrôle du juge se fait plus rigoureux s’agissant des règles de distance par rapport aux limites séparatives. La cour rappelle d’abord la méthode de calcul, dite « glissante », qui impose de vérifier le respect de la distance en chaque point de la construction en fonction de sa hauteur à ce point précis, et non selon la hauteur maximale du bâtiment. Cette méthode est appliquée aux façades est et sud de l’immeuble, dont la conformité est validée, y compris en tenant compte des retraits successifs de la toiture. C’est cependant en examinant les annexes du projet que le juge décèle l’illégalité. Il constate qu’une terrasse, située au sud du bâtiment, ne respecte pas la distance minimale. La cour prend soin de qualifier juridiquement cet élément en affirmant que « cette terrasse, d’une largeur de plus de 1 mètre, qui constitue une construction au sens et pour l’application des dispositions du PLUi citées au point 10, devait être implantée avec un recul minimal de 2,50 mètres par rapport à la limite séparative de propriété ». Son implantation à seulement deux mètres constitue donc une violation de l’article UH 7 du règlement. Cette illégalité, bien que limitée à un seul élément du projet, suffit à entraîner une censure de l’autorisation.
II. La sanction circonscrite de l’illégalité identifiée
Après avoir identifié un unique motif d’illégalité, la cour se tourne vers la question de la sanction. Conformément à une orientation bien établie du contentieux de l’urbanisme, elle privilégie une solution qui préserve l’existence de l’autorisation de construire. Elle qualifie ainsi le vice de régularisable (A) pour ensuite mettre en œuvre le mécanisme de l’annulation partielle (B).
A. La caractérisation d’un vice régularisable
L’illégalité constatée ne porte que sur l’implantation d’une terrasse en rez-de-chaussée. Elle n’affecte ni la structure principale du bâtiment, ni son volume général, ni sa destination. Le juge considère que cette non-conformité est matériellement et juridiquement détachable du reste du projet. Une modification du projet, consistant par exemple à réduire la profondeur de la terrasse ou à la déplacer, permettrait de rendre le projet entièrement conforme au plan local d’urbanisme. Ce faisant, la cour estime que la modification nécessaire n’apporte pas au projet « un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ». Cette analyse permet de conclure que le vice est susceptible de régularisation par le biais d’un permis de construire modificatif, ouvrant ainsi la voie à une annulation qui ne remet pas en cause l’ensemble de l’opération autorisée.
B. La mise en œuvre de l’annulation partielle en vue de la préservation du projet
La qualification de vice régularisable conduit la cour à faire application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme. Ce texte offre au juge administratif la faculté de ne prononcer qu’une annulation partielle lorsque l’illégalité n’affecte qu’une partie divisible du projet. La cour cite explicitement la règle selon laquelle « le juge administratif qui (…) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce ». La décision est donc d’annuler l’arrêté municipal uniquement en tant qu’il autorise l’implantation de la terrasse sud à moins de 2,50 mètres de la limite séparative. Le reste du permis de construire demeure valide. Le jugement du tribunal administratif est par conséquent réformé en ce sens. Cette solution illustre la volonté du législateur et du juge de ne pas faire obstacle à la réalisation des projets de construction pour des motifs d’illégalité mineurs et facilement corrigibles.