Cour d’appel administrative de Marseille, le 30 janvier 2025, n°23MA03084

Par un arrêt en date du 30 janvier 2025, la Cour administrative d’appel se prononce sur les conditions de régularisation d’une autorisation d’urbanisme entachée d’un vice en cours d’instance. En l’espèce, un propriétaire avait entrepris des travaux, notamment la démolition d’un abri de jardin et la modification de l’accès à son terrain, sans obtenir les autorisations requises. Suite à une mise en demeure de l’administration, il a déposé une déclaration préalable portant uniquement sur la modification de l’accès, à laquelle le maire ne s’est pas opposé par une décision du 30 novembre 2020. Une voisine a saisi le tribunal administratif de Nice, qui a annulé cette décision au motif que la démolition de l’abri de jardin, nécessaire au projet, aurait dû être autorisée par un permis de démolir. Le bénéficiaire de l’autorisation a interjeté appel de ce jugement, en produisant en cours d’instance un permis de démolir obtenu postérieurement. Il appartenait donc à la Cour de déterminer si un vice tenant à l’absence d’une autorisation de démolition connexe à un projet peut être purgé par la délivrance de cette autorisation au cours du procès. La Cour administrative d’appel répond par l’affirmative, considérant le vice comme régularisé, et, statuant par l’effet dévolutif de l’appel, examine les autres moyens soulevés pour finalement annuler le jugement de première instance et valider l’autorisation d’urbanisme initiale. Il convient d’analyser la manière dont le juge consacre l’efficacité de la régularisation en cours d’instance (I), avant d’étudier la portée de son contrôle sur les autres motifs d’illégalité soulevés par la requérante (II).

I. La consécration de la régularisation du vice en cours d’instance

L’arrêt illustre le pragmatisme du juge administratif face à un vice de procédure, en confirmant d’abord l’illégalité initiale de l’autorisation (A) pour ensuite admettre sa neutralisation par une régularisation intervenue durant le procès (B).

A. La reconnaissance d’un vice initial tenant à l’indivisibilité des travaux

La Cour confirme l’analyse des premiers juges sur l’existence d’une illégalité originelle. Les travaux déclarés, portant sur la création d’un nouvel accès pour véhicules, impliquaient la démolition préalable d’une construction existante pour aménager les places de stationnement. Les juges du fond relèvent que « la démolition de cet abri de jardin était nécessaire au projet litigieux, dès lors que l’une des places de stationnement prévues par celui-ci est implantée en lieu et place de cet abri ». En liant ainsi la démolition et l’aménagement, la Cour souligne l’indivisibilité matérielle et fonctionnelle de l’opération. Elle qualifie l’abri, malgré sa taille modeste, de « construction au sens et pour l’application des dispositions précitées de l’article R. 421-27 du code de l’urbanisme », soumise à permis de démolir dans la commune concernée. L’absence de cette autorisation à la date de la non-opposition à déclaration préalable entachait donc cette dernière d’un vice substantiel, l’autorité administrative ne pouvant légalement autoriser un projet dont la réalisation dépendait d’une opération illégale non déclarée.

B. La neutralisation du vice par la délivrance d’une autorisation postérieure

Le point central de l’arrêt réside dans l’accueil fait à la régularisation du vice. Le bénéficiaire de l’autorisation a obtenu un permis de démolir le 28 février 2024, soit bien après la décision contestée et même après le jugement de première instance. La Cour constate que ce permis a été « spontanément produit en cours d’instance ». Faisant une application directe des mécanismes de régularisation favorisés par le législateur pour stabiliser les autorisations d’urbanisme, elle juge que « le vice tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 421-27 du code de l’urbanisme doit être regardé comme ayant été régularisé ». Cette solution permet de purger l’illégalité sans imposer l’annulation de l’acte et le dépôt d’une nouvelle demande, dans un but de bonne administration de la justice et d’économie procédurale. La régularisation en cours de procès prive ainsi d’effet le principal moyen d’annulation qui avait pourtant prospéré en première instance, obligeant la Cour à examiner les autres arguments de la requérante.

II. Un contrôle restreint sur les autres motifs d’illégalité invoqués

Une fois le vice principal écarté, la Cour exerce un contrôle factuel et limité sur les autres moyens, qu’il s’agisse des règles du plan local d’urbanisme (A) ou de l’existence d’une éventuelle fraude (B).

A. Le rejet pragmatique des moyens relatifs à la méconnaissance du plan local d’urbanisme

La requérante soulevait plusieurs violations du règlement du plan local d’urbanisme métropolitain. La Cour les écarte successivement par une analyse pragmatique. Concernant l’obligation de planter des arbres de haute tige pour les aires de stationnement, elle se contente de constater leur présence sur le terrain. S’agissant des distances d’implantation, elle juge le moyen inopérant car la règle ne vise pas les places de stationnement extérieures. Pour la hauteur non réglementaire d’un mur existant, elle applique la théorie des travaux étrangers, estimant que la modification autorisée n’a aucun lien avec cette non-conformité. Enfin, concernant le ratio d’espaces verts, la Cour se fonde sur les plans fournis et met le fardeau de la preuve contraire sur la requérante, qui « n’apporte aucun élément de nature à l’établir ». Cette approche démontre que le juge d’appel, une fois le vice de procédure régularisé, n’entend pas procéder à une censure excessive des choix de l’administration sur des points techniques, sauf erreur manifeste et dûment prouvée.

B. L’écartement de la qualification de fraude

La requérante soutenait également que le pétitionnaire avait frauduleusement dissimulé la démolition de l’abri de jardin pour tromper l’administration. La Cour rappelle la définition stricte de la fraude, qui exige des « manœuvres de nature à tromper l’administration sur la réalité du projet dans le but d’échapper à l’application d’une règle d’urbanisme ». Elle reconnaît que les plans joints à la déclaration préalable n’ont pas fait apparaître l’abri démoli sans autorisation. Toutefois, elle juge que « cette simple omission ne peut être regardée comme ayant été réalisée pour contourner une règle d’urbanisme ». En refusant de voir une intention dolosive dans ce qui pourrait n’être qu’une négligence ou une simplification du dossier, la Cour adopte une interprétation restrictive de la notion de fraude. Cette position protège les pétitionnaires contre des accusations de fraude fondées sur de simples omissions et confirme que seule une démarche intentionnelle et caractérisée peut entraîner l’annulation d’une autorisation sur ce fondement.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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