Cour d’appel administrative de Marseille, le 3 juillet 2025, n°24MA01409

Par un arrêt rendu le 3 juillet 2025, une cour administrative d’appel a précisé les exigences de motivation applicables à une décision d’opposition à une déclaration préalable en matière d’urbanisme. En l’espèce, une société avait déposé une déclaration préalable pour la transformation d’un hôtel en plusieurs logements d’habitation. Le maire de la commune concernée s’est opposé à ce projet par un arrêté, décision qui fut implicitement confirmée après le rejet d’un recours gracieux. Saisi par la société, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 9 avril 2024, rejeté la demande d’annulation de cet arrêté. La société a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment l’insuffisante motivation de la décision administrative. La question de droit qui se posait à la cour était donc de savoir si un arrêté s’opposant à une déclaration préalable est suffisamment motivé lorsqu’il se fonde sur l’insuffisance des places de stationnement sans viser la norme réglementaire précise méconnue ni exposer les circonstances de fait justifiant cette appréciation. La cour administrative d’appel a répondu par la négative, annulant le jugement de première instance ainsi que l’arrêté municipal. Elle a jugé que l’absence de mention de l’article du règlement d’urbanisme applicable et le défaut d’explication factuelle sur l’inadéquation du nombre de places de stationnement constituaient un vice de motivation.

Cette solution, qui rappelle avec fermeté les obligations de l’administration en matière de police de l’urbanisme, s’articule autour d’un contrôle rigoureux de la forme de l’acte (I), tout en produisant des effets mesurés quant au fond du droit à construire (II).

I. L’exigence renforcée de motivation de la décision d’opposition

La cour administrative d’appel censure la décision municipale en se fondant exclusivement sur un vice de forme, réaffirmant ainsi l’importance d’une motivation précise et circonstanciée. Cette motivation est appréciée tant au regard de sa portée générale (A) que du respect des garanties procédurales dues à l’administré (B).

A. La sanction d’une motivation par voie d’affirmation générale

L’arrêté municipal contesté se bornait à indiquer que « le projet présenté ne comporte pas un nombre suffisant de parkings compte tenu de la typologie des logements envisagés ». La cour a estimé qu’une telle formulation ne satisfaisait pas aux exigences de motivation. En effet, bien que l’arrêté vise le règlement national d’urbanisme, il ne spécifie aucun article sur lequel le maire aurait fondé son opposition. Cette absence de référence précise à la norme de droit empêche le pétitionnaire de comprendre la règle qui lui est opposée.

De surcroît, la décision administrative n’explicitait pas les éléments factuels justifiant l’insuffisance alléguée. Le juge relève que l’arrêté ne précise ni la consistance de la typologie des logements, ni les raisons pour lesquelles le nombre de places prévu, pourtant égal au nombre de logements, serait inadéquat. L’administration ne peut se contenter d’affirmer une non-conformité sans la démontrer par des éléments concrets, liés par exemple à la localisation du projet ou aux spécificités de sa desserte.

B. La censure au nom de la garantie des droits du pétitionnaire

Cette solution s’inscrit dans le cadre des dispositions des articles L. 424-3 et A. 424-4 du code de l’urbanisme, qui imposent que toute décision d’opposition soit motivée en fait et en droit. Cette obligation constitue une garantie fondamentale pour l’administré, car elle doit lui permettre de comprendre les motifs exacts du refus et, le cas échéant, d’en contester utilement le bien-fondé devant le juge. Une motivation défaillante prive le pétitionnaire de cette faculté et porte atteinte à son droit à un recours effectif.

En annulant l’arrêté pour ce seul motif, la cour exerce un contrôle de la légalité externe de l’acte sans se prononcer sur sa légalité interne. Le juge administratif ne substitue pas son appréciation à celle de l’administration sur le nombre de places de stationnement nécessaire. Il se limite à vérifier que l’autorité administrative a respecté les formes et procédures prescrites, assurant ainsi la transparence et la prévisibilité de l’action administrative et prévenant les risques d’arbitraire.

La portée de cette annulation est cependant circonscrite par la nature du vice sanctionné, ce qui limite les conséquences de la décision pour le pétitionnaire.

II. Une annulation formelle aux effets matériels limités

Bien que la société requérante obtienne gain de cause, la portée de l’arrêt reste mesurée. La solution est avant tout protectrice des droits de l’administré (A), mais elle n’emporte aucune validation du projet sur le fond (B).

A. Une solution protectrice de la sécurité juridique

En censurant une motivation jugée lacunaire, la cour renforce la sécurité juridique des opérateurs économiques et des particuliers. La décision rappelle que l’administration ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire absolu et doit justifier ses décisions de manière claire et intelligible. Cette exigence est d’autant plus importante en droit de l’urbanisme, où les décisions peuvent avoir des conséquences financières et économiques considérables pour les porteurs de projets.

Cette jurisprudence incite les autorités locales à une plus grande rigueur dans la rédaction de leurs actes, ce qui contribue à la qualité de l’action administrative. Une motivation précise permet non seulement de garantir les droits de la défense, mais également d’éclairer le débat contentieux et de faciliter l’office du juge. La décision commentée a donc une valeur pédagogique pour les services instructeurs des autorisations d’urbanisme.

B. Une portée circonscrite à un réexamen du dossier

L’annulation de l’arrêté ne vaut pas autorisation implicite du projet. Le motif de l’annulation étant un vice de forme, l’arrêt implique seulement, ainsi que le précise la cour dans ses conclusions sur l’injonction, que le maire réexamine la déclaration préalable. L’autorité administrative conserve donc sa compétence pour se prononcer à nouveau et pourra émettre une nouvelle décision d’opposition, à condition que celle-ci soit, cette fois, correctement motivée.

D’ailleurs, en indiquant que pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’apparaissait susceptible de fonder l’annulation, la cour suggère que les autres arguments soulevés par la requérante, notamment ceux relatifs à l’erreur d’appréciation sur le fond, n’étaient pas de nature à être accueillis. La victoire de la société est donc procédurale et pourrait n’être que temporaire si la commune parvient à fonder un nouveau refus sur des bases juridiques et factuelles plus solides.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture