Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 mai 2025, n°24LY01456

Par un arrêt en date du 9 mai 2025, la cour administrative d’appel s’est prononcée sur les modalités d’affichage d’un permis de construire et leur incidence sur le déclenchement du délai de recours contentieux des tiers. En l’espèce, une commune avait délivré une autorisation d’urbanisme à une société en vue de l’édification d’un magasin. Une association a sollicité l’annulation de cette décision auprès du tribunal administratif de Lyon. Par une ordonnance du 15 mars 2024, le juge de première instance a rejeté la demande comme tardive. L’association a interjeté appel de cette ordonnance, soutenant que l’affichage du permis n’était pas régulier, car le panneau n’était pas situé sur l’emprise matérielle du projet et n’était pas lisible depuis la voie publique. Se posait alors la question de savoir si l’obligation d’affichage « sur le terrain » prévue par le code de l’urbanisme impose une implantation du panneau strictement sur la parcelle destinée à recevoir la construction. La cour administrative d’appel a répondu par la négative, considérant que l’affichage sur une parcelle voisine incluse dans la demande de permis et assurant une visibilité depuis l’extérieur suffisait à faire courir le délai de recours.

Il convient d’analyser la confirmation par le juge d’une conception souple des règles d’affichage (I), avant d’en mesurer les effets sur la sécurisation des autorisations d’urbanisme (II).

I. La confirmation d’une approche pragmatique des formalités d’affichage

La solution retenue par la cour repose sur une appréciation fonctionnelle de la visibilité du panneau (A) et s’appuie sur la force probante des constats d’huissier (B).

A. La primauté de la visibilité effective sur la stricte localisation de l’affichage

La cour administrative d’appel évalue la régularité de l’affichage au regard de sa finalité, qui est d’assurer l’information des tiers. Elle rappelle les dispositions de l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme qui exigent un affichage « de manière visible de l’extérieur ». En l’occurrence, le juge constate que le panneau était positionné en bordure du terrain d’implantation et le long d’une route départementale, avec des mentions lisibles depuis cette voie. L’accessibilité du panneau depuis un chemin et une aire de stationnement ouverts au public est également relevée. La cour en déduit que l’objectif d’information était atteint. L’essentiel réside donc dans la capacité effective pour un tiers de prendre connaissance du projet depuis l’espace public, plutôt que dans la position topographique exacte du panneau sur le terrain d’assiette. Cette approche privilégie une réalité concrète sur un formalisme excessif.

B. La force probante du procès-verbal de constat dans l’établissement de la régularité

Pour établir les faits, la cour se fonde de manière déterminante sur le procès-verbal de constat d’affichage dressé par un commissaire de justice. Ce document atteste de la présence continue du panneau à plusieurs dates et de sa parfaite lisibilité. La juridiction souligne que « des photographies sont intégrées à ce procès-verbal », renforçant ainsi la matérialité des faits. Face à la précision de ces éléments, les allégations contraires de l’association requérante perdent de leur poids. Le recours à un officier ministériel pour documenter l’affichage constitue pour le bénéficiaire du permis une garantie probatoire quasi-irréfragable. La décision illustre que la charge de la preuve d’un affichage irrégulier devient alors particulièrement lourde pour le tiers requérant. Cette méthode offre une assise factuelle solide au raisonnement du juge et réduit la marge d’incertitude.

La validation de cette méthode d’affichage emporte des conséquences notables quant à l’interprétation des textes et à la stabilité des droits acquis par le pétitionnaire.

II. La consolidation de la sécurité juridique du bénéficiaire du permis de construire

Cette décision participe au renforcement de la stabilité des autorisations d’urbanisme en validant une interprétation extensive de la notion de terrain (A), ce qui a pour effet de purger plus rapidement le permis de construire de tout recours (B).

A. Une interprétation extensive de l’obligation d’affichage « sur le terrain »

La cour tranche un point de droit essentiel en jugeant que les dispositions du code de l’urbanisme « n’imposant pas un affichage sur le seul terrain à bâtir ». Cette clarification est d’importance. Elle permet au titulaire d’une autorisation portant sur plusieurs unités foncières de choisir l’emplacement le plus pertinent pour son panneau, pourvu qu’il soit inclus dans le périmètre de la demande de permis et qu’il garantisse la visibilité depuis l’extérieur. Le juge valide ainsi l’affichage sur une parcelle voisine du terrain de construction, dès lors qu’elle figure dans le dossier de demande et est située à « proximité immédiate du terrain d’assiette du projet ». Cette solution évite une application trop rigide des textes qui pourrait se révéler inopportune dans des projets complexes ou lorsque la configuration des lieux rend difficile un affichage sur la seule parcelle à construire.

B. Le renforcement de la purge du délai de recours contentieux

En validant la régularité de l’affichage dans de telles circonstances, la cour confirme le point de départ du délai de recours contentieux au premier jour de la période de deux mois. La conséquence directe est que le délai était expiré lorsque la requête a été enregistrée. L’ordonnance de rejet pour irrecevabilité manifeste était donc justifiée. Cette jurisprudence a pour portée de consolider la position du bénéficiaire du permis, qui peut s’assurer plus efficacement du caractère définitif de son autorisation. Elle incite les tiers à une vigilance accrue, le point de départ du délai étant admis avec une certaine souplesse quant à la localisation du panneau. La sécurité juridique des opérations de construction s’en trouve ainsi accrue, limitant les recours tardifs fondés sur des contestations excessivement formalistes des modalités d’affichage.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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