Cour d’appel administrative de Lyon, le 8 avril 2025, n°23LY01056

Par un arrêt en date du 8 avril 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a statué sur la légalité du classement en zone agricole de parcelles privées dans le cadre d’un plan local d’urbanisme. En l’espèce, des propriétaires contestaient la délibération d’un conseil municipal approuvant un plan local d’urbanisme qui classait une partie de leurs terrains en zone agricole. Ces derniers soutenaient que leurs parcelles, utilisées en partie comme jardin d’agrément et attenantes à leur habitation, s’inséraient dans un hameau déjà urbanisé et ne présentaient aucun intérêt agricole justifiant un tel classement. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté leur demande par un jugement du 1er février 2023. Les requérants ont alors interjeté appel de cette décision, reprenant pour l’essentiel les mêmes moyens, et notamment celui tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans le choix de classement opéré par la commune. Il s’agissait donc pour la cour de déterminer si le classement en zone agricole de parcelles non exploitées à cette fin, mais situées en lisière d’une zone bâtie et à proximité d’espaces agricoles, constituait une décision entachée d’illégalité. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, confirmant le jugement de première instance et validant le choix de la commune. Elle a estimé que, compte tenu de la situation des parcelles et des objectifs du plan, l’appréciation des auteurs du document d’urbanisme n’était pas manifestement erronée. Cette décision illustre la confirmation du pouvoir d’appréciation des communes en matière de zonage (I), tout en rappelant la nature restreinte du contrôle exercé par le juge administratif sur ces choix d’urbanisme (II).

I. La confirmation de la marge d’appréciation communale dans la délimitation des zones

La cour valide le classement litigieux en s’appuyant d’une part sur sa cohérence avec les documents de planification (A) et d’autre part sur une analyse concrète de la situation des parcelles concernées (B).

A. La cohérence du classement avec les objectifs d’aménagement

La décision rappelle que le règlement du plan local d’urbanisme doit être apprécié en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables (PADD). Pour ce faire, le juge se livre à « une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire couvert par le document d’urbanisme ». La cour relève que le PADD de la commune visait à limiter l’extension des hameaux pour préserver les espaces agricoles et naturels environnants. L’objectif était de contenir la consommation foncière, en cohérence avec les orientations du schéma de cohérence territoriale (SCOT), même si le plan local d’urbanisme se montrait plus restrictif. La cour précise à cet égard que « la circonstance que le PLU en litige soit plus restrictif que les prescriptions du SCOT en matière de consommation d’espace n’emporte pas l’illégalité du classement ». Ainsi, le choix de classer les parcelles en zone agricole, bien que perçu comme une contrainte par les propriétaires, s’inscrit dans une vision d’ensemble du développement communal.

B. L’appréciation de la situation concrète des parcelles

Au-delà de la cohérence documentaire, la cour examine les caractéristiques propres des terrains. Elle constate que les parcelles, d’une superficie notable, « ne sont ni bâties ni artificialisées et ont conservé, nonobstant leur utilisation en jardin d’agrément, leur caractère naturel ». La cour écarte l’argument selon lequel les terrains constitueraient une « dent creuse » au sein du hameau, notant qu’ils jouxtent une vaste zone agricole et se trouvent éloignés du cœur du village. Le fait qu’un certificat d’urbanisme positif ait été délivré plus de quinze ans auparavant ou que les parcelles soient issues d’une division d’un tènement plus grand n’est pas jugé déterminant. La cour privilégie la situation géographique actuelle des terrains et leur fonction de transition avec les espaces naturels, considérant que « leur classement en zone agricole est cohérent avec l’axe II du PADD visant à « préserver et valoriser la lisibilité et les qualités identitaires et patrimoniales du paysage communal » ».

Si la cour s’attache à légitimer le choix de la commune par une analyse détaillée, elle réaffirme par là même les limites inhérentes à son propre office lorsqu’il est saisi d’un recours pour excès de pouvoir.

II. La réaffirmation du contrôle restreint du juge sur les choix d’urbanisme

Le rejet de la requête repose sur l’application rigoureuse du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (A) et sur le refus de reconnaître une rupture du principe d’égalité (B).

A. L’application du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation

La cour rappelle la règle fondamentale selon laquelle le juge de l’excès de pouvoir ne censure l’appréciation des auteurs d’un plan local d’urbanisme que dans des cas limités. L’appréciation « ne peut être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ». En l’espèce, le choix de la commune n’apparaît pas comme étant manifestement erroné. Les parcelles se trouvant à l’interface entre une zone urbanisée et une zone agricole, leur classement dans l’une ou l’autre de ces zones relevait d’un choix d’opportunité appartenant à la seule autorité locale. Le juge ne substitue pas sa propre appréciation à celle de l’administration dès lors que celle-ci n’est pas dénuée de toute rationalité. La décision de la commune était fondée sur des objectifs clairs et des constatations matérielles exactes, ce qui suffisait à la mettre à l’abri de la censure du juge.

B. Le rejet du moyen tiré de la rupture d’égalité

Les requérants invoquaient une rupture d’égalité en comparant le sort de leurs parcelles à celui d’une parcelle voisine classée en zone constructible. La cour écarte ce moyen en adoptant les motifs des premiers juges. Cette approche confirme une jurisprudence constante selon laquelle la seule différence de traitement entre des parcelles, même voisines, ne suffit pas à caractériser une violation du principe d’égalité. Une telle différence peut être justifiée par les nécessités de l’urbanisme et la nécessité de fixer une limite géographique au zonage, dès lors que le critère de délimitation n’est pas arbitraire. La localisation distincte, même de quelques mètres, ou la configuration parcellaire, peut fonder un choix de classement différent sans pour autant que le plan soit entaché d’illégalité. Le juge vérifie seulement que la ligne de partage tracée par les auteurs du plan repose sur des considérations objectives en lien avec le projet d’aménagement global.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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