Par un arrêt en date du 25 mars 2025, la Cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur la légalité du retrait d’un permis de construire modificatif.
En l’espèce, une société s’est vu délivrer un permis de construire modificatif par le maire d’une commune, permis qui fut ensuite transféré à une autre société. Quelques mois plus tard, le maire a rapporté cette autorisation d’urbanisme. Les deux sociétés ont alors saisi le tribunal administratif afin de faire annuler cette décision de retrait. Leur demande ayant été rejetée par un jugement du 8 novembre 2022, elles ont interjeté appel de cette décision. Elles soutenaient principalement que la procédure contradictoire préalable au retrait était irrégulière, en raison notamment d’un délai insuffisant pour présenter leurs observations, et que les motifs de retrait, tirés de prétendues illégalités du permis, n’étaient pas fondés.
Il appartenait donc à la Cour administrative d’appel de déterminer si un maire peut légalement retirer un permis de construire modificatif en se fondant sur des inexactitudes du dossier de demande, et ce malgré une procédure contradictoire menée dans des délais restreints. Par sa décision, la cour a rejeté la requête, jugeant que la procédure contradictoire avait, en substance, offert une garantie suffisante aux sociétés et que les motifs d’illégalité retenus par la commune justifiaient le retrait de l’acte, nonobstant la présence d’un motif erroné qui a pu être neutralisé.
L’analyse de cet arrêt révèle une approche pragmatique du contrôle juridictionnel, tant sur le plan de la procédure que sur celui du fond. La Cour confirme ainsi la légalité d’un retrait de permis de construire en validant une procédure contradictoire menée sous la contrainte des délais (I), avant de consacrer le bien-fondé du retrait au regard des illégalités entachant l’autorisation d’urbanisme initiale (II).
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I. La validation d’une procédure contradictoire menée sous la contrainte des délais
La Cour administrative d’appel a d’abord considéré que la procédure contradictoire, bien que brève, n’avait pas vicié la décision de retrait. Pour ce faire, elle a adopté une appréciation pragmatique des modalités de mise en œuvre de cette garantie (A) avant de conclure, en application d’une jurisprudence bien établie, à l’absence d’une atteinte substantielle aux droits des intéressées (B).
A. L’appréciation pragmatique des modalités de la garantie du contradictoire
Le retrait d’une décision créatrice de droits, tel un permis de construire, est subordonné au respect d’une procédure contradictoire préalable, en vertu de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration. Cette procédure impose à l’autorité administrative d’informer la personne concernée des motifs de la mesure envisagée et de lui laisser un délai suffisant pour présenter ses observations.
Dans cette affaire, les sociétés requérantes contestaient la régularité de cette procédure, arguant du caractère insuffisant du délai qui leur avait été accordé. La Cour a cependant écarté ce moyen en relevant que l’information avait été valablement transmise par courrier électronique, estimant que « aucune disposition ne prévoit, en l’espèce, que la procédure contradictoire préalable soit nécessairement mise en œuvre par un courrier délivré par voie postale avec accusé de réception ». Cette approche, qui privilégie l’effectivité de l’information sur le formalisme de sa transmission, s’inscrit dans une logique de modernisation des relations administratives. Le juge a constaté que le dirigeant des sociétés avait bien pris connaissance du courriel, ce qui suffisait à faire courir le délai imparti pour répondre. En se concentrant sur le résultat, à savoir la réception effective de l’information, la Cour refuse de sanctionner l’administration pour le seul choix d’un mode de communication dématérialisé.
B. La neutralisation du vice de procédure par l’absence d’atteinte aux droits de la défense
Au-delà de la modalité de transmission, la question de la suffisance du délai restait posée. Sur ce point, la Cour applique la jurisprudence bien établie selon laquelle un vice de procédure n’entache une décision d’illégalité que s’il a été « susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ».
En l’occurrence, le juge constate que les sociétés ont effectivement produit des observations écrites avant que la décision de retrait ne soit prise. Il en déduit qu’elles n’ont pas été privées de la possibilité de se défendre. L’arrêt précise même que ces observations « ont été prises en compte par la commune ainsi que cela ressort des termes de l’arrêté en litige ». Dès lors, même si le délai de sept jours pouvait paraître court, son éventuelle insuffisance n’a pas eu de conséquence concrète sur l’exercice des droits de la défense. Cette solution illustre une application rigoureuse du principe selon lequel les vices de procédure ne sont sanctionnés que s’ils ne sont pas purement formels. La garantie du contradictoire est considérée comme respectée dès lors que les administrés ont pu, matériellement, faire valoir leur point de vue.
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II. La confirmation du bien-fondé du retrait au regard des illégalités entachant le permis
Après avoir écarté les moyens de procédure, la Cour s’est attachée à vérifier le bien-fondé des motifs de retrait. Elle a ainsi sanctionné l’insuffisance du dossier de demande et ses incidences sur les règles d’urbanisme (A), tout en confirmant la légalité du retrait malgré la présence d’un motif erroné (B).
A. La sanction de l’inexactitude du dossier de demande et de ses conséquences
Le premier motif de retrait portait sur une incohérence dans le calcul de la surface de plancher dédiée au commerce. L’administration avait constaté qu’une surface de 266,09 m² avait « disparu » entre la demande de permis initial et la demande de permis modificatif, sans qu’aucune explication ne soit fournie. Cette incertitude empêchait de vérifier le respect des règles de stationnement imposées par le plan local d’urbanisme intercommunal.
La Cour valide ce motif en soulignant qu’en l’absence de précisions dans le dossier, l’administration ne pouvait examiner la légalité du projet. Elle retient que « le maire de la commune de Noyarey a légalement pu retenir (…) que le projet, du fait de ses insuffisances, méconnaissait les dispositions de l’article 7 du PLUi ». Cette position rappelle que la charge de présenter un dossier complet et exact pèse sur le pétitionnaire. Le caractère frauduleux de la demande n’a pas à être démontré ; l’insuffisance des informations fournies, dès lors qu’elle fait obstacle au contrôle de l’administration, suffit à justifier un refus ou, comme en l’espèce, le retrait d’une autorisation obtenue sur la base d’un dossier vicié. La décision est une stricte application du principe selon lequel le permis est délivré sous réserve de l’exactitude des déclarations du demandeur.
B. La justification du retrait par la modification de l’assiette foncière et la neutralisation d’un motif erroné
Le second motif légal de retrait était lié à la suppression d’une parcelle de l’assiette du projet, parcelle initialement prise en compte pour le calcul des espaces de pleine terre et des espaces végétalisés. Là encore, la Cour estime que le maire « a légalement (…) pu estimer qu’en supprimant de son périmètre la parcelle cadastrée section AK n°109, le projet (…) ne satisfait pas aux prescriptions du PLUi applicable au projet ». En ne précisant pas la nouvelle répartition de ces espaces, le pétitionnaire avait de nouveau placé l’administration dans l’impossibilité de vérifier la conformité de son projet.
Toutefois, l’arrêté de retrait comportait un troisième motif, que la Cour juge erroné, concernant la non-comptabilisation d’une autre parcelle appartenant au domaine public. Face à cette situation, le juge fait application de la théorie de la neutralisation des motifs. Il considère que les deux premiers motifs, légaux et suffisants, justifiaient à eux seuls la décision de retrait. Le juge en conclut qu’« il résulte toutefois de l’instruction que la commune aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les motifs légaux précédemment énoncés ». Cet outil jurisprudentiel permet de préserver la légalité d’un acte administratif dont le dispositif est justifié, malgré une motivation partiellement erronée. Il démontre la volonté du juge de ne pas annuler une décision pour une simple maladresse de rédaction, dès lors que sa substance et sa finalité demeurent conformes au droit.