Par un arrêt en date du 20 janvier 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur les modalités de computation du délai de recours contentieux des tiers à l’encontre d’un permis d’aménager tacite. En l’espèce, un pétitionnaire avait déposé une demande de permis d’aménager pour la création d’un lotissement. Suite à un premier refus de l’autorité compétente, le tribunal administratif, par un jugement antérieur, avait annulé ce refus et constaté l’existence d’un permis d’aménager tacite, enjoignant à l’administration de délivrer un certificat attestant de son existence. Le bénéficiaire du permis procéda alors à l’affichage réglementaire sur le terrain d’assiette du projet. Des riverains ont par la suite formé un recours tendant à l’annulation du certificat et du permis tacite lui-même. Le tribunal administratif rejeta leurs demandes comme tardives, au motif que le délai de recours contentieux de deux mois, déclenché par l’affichage sur le terrain, était expiré au jour de l’enregistrement de leur requête. Les requérants ont alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que le délai n’avait pu courir, faute d’affichage du certificat de permis tacite et en raison de prétendues irrégularités de l’affichage réalisé. Il revenait donc à la cour de déterminer si les formalités de publicité accomplies par le bénéficiaire du permis tacite étaient suffisantes pour faire courir le délai de recours des tiers. La cour administrative d’appel rejette la requête, confirmant que le recours de première instance était tardif. Elle juge que l’affichage sur le terrain du permis d’aménager, même tacite, suffit à déclencher le délai de recours, sans qu’il soit nécessaire d’afficher le certificat recognitif, et que les modalités de cet affichage étaient en l’espèce régulières.
La solution retenue par la cour administrative d’appel repose sur une clarification des formalités de publicité gouvernant le permis d’aménager tacite (I), dont l’application stricte conduit à préserver la sécurité juridique du bénéficiaire de l’autorisation (II).
I. La clarification des formalités de publicité du permis tacite
La cour fonde sa décision sur une analyse précise de l’objet du litige, le dissociant de l’acte purement recognitif que constitue le certificat (A), pour ensuite réaffirmer que seule la publicité donnée au permis lui-même conditionne le déclenchement du délai de recours (B).
A. La qualification de l’objet du recours : le permis tacite, et non son certificat recognitif
Le raisonnement des juges d’appel s’attache d’abord à requalifier les conclusions des requérants. Ceux-ci demandaient l’annulation des certificats de permis tacite, mais les moyens soulevés ne critiquaient que la légalité du permis d’aménager sous-jacent. La cour relève que les certificats attaqués « sont recognitifs de l’existence du permis d’aménager tacite » et ne constituent pas des décisions faisant grief par elles-mêmes. Par conséquent, les conclusions dirigées contre ces actes doivent être interprétées comme étant en réalité dirigées contre l’autorisation d’urbanisme elle-même. Cette requalification est essentielle, car elle déplace le débat du terrain de la publicité du certificat vers celui de la publicité du permis. En écartant ainsi l’acte recognitif du champ contentieux, la cour neutralise l’argument des requérants selon lequel l’absence d’affichage du certificat aurait empêché le délai de recours de courir.
Une fois l’objet véritable du litige ainsi identifié comme étant le permis d’aménager tacite, la cour pouvait alors se concentrer sur les règles de publicité propres à une telle autorisation pour apprécier la recevabilité de la demande de première instance.
B. La dissociation des formalités de publicité entre le permis tacite et le certificat
Le cœur de l’argumentation juridique de la cour repose sur une interprétation stricte des dispositions du code de l’urbanisme relatives au point de départ du délai de recours des tiers. Elle rappelle que, conformément à l’article R. 600-2 de ce code, ce délai court à compter d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain. La cour précise alors un point fondamental du litige : « l’affichage sur le terrain d’assiette du projet du permis d’aménager, alors même qu’il serait tacite, fait courir le délai de recours contentieux s’il comporte les mentions requises, aucune disposition législative ou règlementaire ne subordonnant le déclenchement de ce délai à l’affichage sur le terrain du certificat d’attestation tacite ». Cette affirmation vient confirmer une solution logique : le permis tacite est une décision créatrice de droits à part entière, dont l’existence ne dépend pas du certificat qui vient simplement en attester. La publicité doit donc porter sur la décision elle-même, et non sur l’acte qui la constate a posteriori.
Cette clarification orthodoxe du droit applicable conduisait alors naturellement le juge à procéder à un examen détaillé des faits pour vérifier si les conditions du déclenchement du délai avaient été concrètement remplies.
II. L’application stricte des règles de publicité au service de la sécurité juridique
Après avoir posé le principe, la cour procède à une appréciation rigoureuse des modalités matérielles de l’affichage effectué (A), consacrant par là même la primauté de la sécurité juridique au profit du titulaire de l’autorisation (B).
A. L’appréciation souveraine des modalités matérielles de l’affichage
La cour se livre à un contrôle minutieux de la régularité de l’affichage, s’appuyant sur plusieurs constats de commissaire de justice versés au dossier. Elle vérifie un par un les griefs soulevés par les requérants. Le caractère visible et lisible de l’affichage depuis la voie publique est confirmé par les pièces du dossier, qui établissent l’implantation du panneau à proximité du portail, en bordure d’un chemin ouvert au public. La continuité de cet affichage sur une période de deux mois est également établie par les constats successifs. La cour écarte également le moyen tiré de l’omission de la mention des bâtiments à démolir, en relevant qu’aucune démolition n’était autorisée par le permis d’aménager en cause. Par cet examen factuel précis, la cour montre que les exigences des articles R. 424-15 et A. 424-18 du code de l’urbanisme ont été respectées.
Cette validation de la régularité de l’affichage scelle le sort du recours des tiers en le rendant tardif.
B. La primauté de la sécurité juridique du bénéficiaire du permis
En jugeant que l’affichage, réalisé à compter du 24 juillet 2023, a fait courir le délai de recours qui expirait le 25 septembre 2023, la cour confirme le caractère tardif des demandes enregistrées le 26 septembre 2023. La solution, bien que sévère pour les requérants dont le recours est rejeté pour un seul jour de retard, est une manifestation de l’importance attachée à la stabilisation des droits acquis par le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme. Le mécanisme du délai de recours contentieux et les règles strictes d’affichage qui le déclenchent visent précisément à purger rapidement les autorisations des recours des tiers. En refusant de neutraliser ce délai pour des motifs jugés non fondés en droit ou en fait, la cour fait prévaloir l’impératif de sécurité juridique. Cette décision rappelle que le droit au recours des tiers, bien que fondamental, doit s’exercer dans le respect scrupuleux des délais de procédure, dont le point de départ est objectivé par des formalités de publicité précisément encadrées.