Par un arrêt en date du 1er juillet 2025, la cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur la légalité d’un permis d’aménager et de la procédure de régularisation dont il a fait l’objet. En l’espèce, des riverains ont contesté un permis d’aménager accordé par un maire pour la création d’un lotissement de sept lots. Saisi du litige, le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement avant dire droit du 7 novembre 2023, a identifié certains vices affectant l’autorisation d’urbanisme mais les a estimés régularisables. Faisant application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, il a alors sursis à statuer et imparti un délai à l’administration pour délivrer un permis de régularisation. Les requérants ont interjeté appel de ce premier jugement. Suite à la délivrance d’un permis de régularisation le 7 février 2024, le tribunal administratif, par un second jugement du 28 mai 2024, a estimé les vices purgés et a rejeté la demande d’annulation. Les riverains ont également formé un appel contre ce second jugement, soutenant que le permis initial restait entaché d’illégalités non sanctionnées par les premiers juges, notamment quant à la complétude du dossier et au respect des règles de voirie et des orientations d’aménagement et de programmation. Il revenait donc à la cour administrative d’appel de déterminer si les moyens écartés par le premier juge pouvaient justifier l’annulation du permis initial, nonobstant l’intervention d’une mesure de régularisation, et d’apprécier la conformité du projet aux diverses prescriptions d’urbanisme. La cour rejette les requêtes, considérant d’une part que l’appel contre un jugement de sursis à statuer reste recevable pour les moyens écartés, et d’autre part qu’aucun des vices allégués n’était fondé, confirmant ainsi la démarche des premiers juges et la légalité de l’autorisation d’urbanisme après régularisation.
La décision de la cour administrative d’appel vient préciser l’office du juge d’appel face à une mesure de régularisation, confirmant l’autonomie des moyens de légalité externe et interne (I). En outre, elle réaffirme une conception pragmatique du contrôle de la légalité des autorisations d’urbanisme, fondée sur une appréciation globale de la conformité du projet aux règles applicables (II).
I. La consolidation de l’office du juge face à la régularisation contentieuse
La solution adoptée par la cour permet de clarifier la portée d’un appel dirigé contre un jugement avant dire droit ordonnant une régularisation (A), tout en validant indirectement le recours à ce mécanisme pour les seuls vices jugés pertinents (B).
A. Le maintien du droit d’appel sur les moyens écartés en première instance
La cour administrative d’appel écarte d’emblée l’exception de non-lieu à statuer soulevée par les défendeurs. Elle juge que si la délivrance d’un permis de régularisation prive d’objet les conclusions dirigées contre le principe même du sursis à statuer, elle ne saurait affecter la recevabilité de l’appel en tant qu’il conteste le rejet des autres moyens par les premiers juges. En effet, « les conclusions présentées (…) ne portent pas sur la mise en œuvre des pouvoirs que le juge tient de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme mais tendent uniquement à remettre en cause la légalité du permis d’aménager délivré le 27 avril 2022 ». Cette position garantit aux requérants le plein exercice de leur droit à un double degré de juridiction. Elle leur permet de contester l’appréciation du premier juge sur l’ensemble des illégalités qu’ils avaient invoquées, et non uniquement sur celles qui ont été jugées régularisables. Cette clarification est essentielle pour l’équilibre des droits des parties dans le cadre du contentieux de l’urbanisme.
B. La validation implicite du périmètre de la régularisation
En procédant à un examen détaillé de chaque moyen écarté par le tribunal administratif, la cour confirme indirectement le bien-fondé de la démarche de régularisation. Le mécanisme de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme repose sur la capacité du juge à isoler un ou plusieurs vices susceptibles d’être corrigés sans remettre en cause l’économie générale du projet. En concluant qu’aucun des autres arguments des requérants n’était fondé, la cour valide la sélection opérée par le premier juge. Elle confirme que seules les illégalités relatives au traitement paysager et au respect des surfaces non imperméabilisées nécessitaient une correction. L’arrêt démontre ainsi que la régularisation contentieuse n’est pas une simple faculté mais un outil de bonne administration de la justice, permettant de purger un projet de ses défauts sans entraîner une annulation totale souvent disproportionnée.
Une fois le cadre procédural ainsi clarifié, la cour s’est attachée à examiner le bien-fondé des critiques formulées à l’encontre du permis initial, révélant une approche pragmatique des règles d’urbanisme.
II. L’appréciation pragmatique de la conformité du projet aux règles d’urbanisme
L’arrêt illustre une méthode de contrôle qui privilégie la substance sur le formalisme, que ce soit dans l’examen de la complétude du dossier de demande (A) ou dans l’interprétation des documents de planification (B).
A. Une approche souple du contenu du dossier de demande
Les requérants soulevaient plusieurs incomplétudes du dossier de demande de permis, notamment une incohérence sur le nombre de lots et une description insuffisante de l’insertion paysagère ou de la gestion des déchets. La cour rejette ces arguments en se fondant sur une appréciation concrète de l’information fournie à l’administration. Concernant le nombre de lots, elle note que si le formulaire Cerfa mentionnait une possibilité de huit lots, l’arrêté final en autorisait expressément sept, démontrant que « l’autorité en charge de l’instruction de la demande a été mise en mesure de connaître le nombre de lots projetés ». De même, pour la gestion des déchets ou l’insertion dans le site, le juge estime que les indications fournies, bien que pouvant être perçues comme succinctes, étaient suffisamment précises pour permettre au service instructeur d’exercer son contrôle. Cette approche s’éloigne d’une exigence de perfection formelle du dossier et se concentre sur sa finalité : permettre une instruction éclairée.
B. La distinction réaffirmée entre compatibilité et conformité stricte
Le moyen le plus significatif portait sur l’incompatibilité du projet avec les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) relatives aux cheminements doux et aux espaces verts. Les requérants reprochaient au projet l’absence de pistes cyclables distinctes et d’espaces verts en bordure immédiate du cheminement piéton. La cour rappelle que le rapport entre un projet et une OAP est un rapport de compatibilité et non de conformité. Elle en déduit que les prescriptions d’une OAP ne sont pas des règles à appliquer littéralement. Ainsi, la création d’un « cheminement piétons et cyclistes d’une largeur de 1,40 mètre » et l’aménagement de « bandes vertes enherbées » ainsi que la plantation de quelques arbres suffisent à satisfaire l’exigence de compatibilité. Le fait que ce cheminement ne soit pas « intégré dans une bande plantée » ou ombragé comme le suggérait l’OAP « ne peut démontrer que le projet en litige n’est pas compatible avec les orientations ». Cette solution confirme que l’OAP fixe des objectifs généraux, laissant une marge de manœuvre à l’aménageur dans leur mise en œuvre, pourvu que l’esprit de l’orientation soit respecté.