Par un arrêt en date du 28 mai 2025, une cour administrative d’appel se prononce sur les conséquences procédurales du retrait d’un appel formé contre un jugement ayant partiellement annulé un permis d’aménager. En l’espèce, une autorité municipale avait accordé à une société un permis d’aménager un lotissement. Des riverains, contestant la légalité de ce projet au regard des règles d’urbanisme locales, ont saisi le tribunal administratif après le rejet de leur recours gracieux. Le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 23 mai 2024, a fait droit à leur demande en annulant partiellement l’autorisation d’urbanisme, au motif que la création d’une voie en impasse desservant un nombre de logements supérieur à la limite fixée méconnaissait le plan local d’urbanisme. La société bénéficiaire du permis a alors interjeté appel de ce jugement afin d’obtenir son annulation et la validation complète de son projet. Cependant, en cours d’instance, la société requérante a déclaré se désister purement et simplement de son recours, mettant fin à sa contestation du jugement de première instance. La question soumise à la cour ne portait donc plus sur la légalité du permis d’aménager, mais sur les effets juridiques d’un tel désistement en appel, notamment quant à l’extinction de l’instance et au sort des demandes relatives aux frais exposés par les parties. La cour administrative d’appel a donné acte du désistement, constatant ainsi la fin de l’instance, et a, dans le même temps, exercé son pouvoir d’appréciation pour rejeter les conclusions des intimés tendant au remboursement de leurs frais de procédure.
La décision commentée illustre ainsi parfaitement les effets d’un désistement d’instance, qui entraîne l’extinction de l’action en justice sans pour autant priver le juge de sa compétence pour statuer sur les demandes accessoires relatives aux frais du procès. Il convient donc d’analyser le mécanisme du désistement et sa conséquence principale, à savoir la clôture de l’instance d’appel, avant d’examiner la manière dont le juge conserve son pouvoir d’appréciation pour statuer sur les frais de justice malgré cette extinction.
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I. L’effet extinctif du désistement sur l’instance d’appel
Le désistement de la société requérante, qualifié de « pur et simple », met immédiatement fin au litige en appel, ce qui a pour conséquence directe de rendre définitive la décision rendue par les premiers juges.
A. La nature du désistement pur et simple
Le désistement d’instance est un acte de procédure par lequel une partie demanderesse renonce à l’instance qu’elle a engagée, sans pour autant renoncer au droit d’agir lui-même, sauf précision contraire. Dans le cas présent, la cour prend soin de relever que la société a déclaré « se désister de sa requête » et que « ce désistement est pur et simple ». Cette précision est essentielle car elle signifie que l’abandon de l’appel est inconditionnel et ne dépend d’aucune contrepartie de la part des défendeurs. L’acte est unilatéral et produit ses effets dès sa réception par la juridiction, sans nécessiter l’acceptation des autres parties.
En l’absence de toute condition, la cour n’a d’autre choix que de prendre acte de cette volonté et de clore la procédure. L’article 1er du dispositif est sans équivoque : « Il est donné acte à la société Les Jardins de Protéram du désistement de sa requête ». Par cette formule, le juge constate officiellement la fin de l’instance d’appel. La procédure contentieuse initiée par la déclaration d’appel est ainsi éteinte, et la cour est dessaisie de la contestation portant sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif. Le litige principal, qui concernait la légalité de l’impasse du projet de lotissement, ne sera donc pas tranché par le juge d’appel.
B. La cristallisation de la décision de première instance
La conséquence la plus importante de l’extinction de l’instance d’appel est que le jugement rendu par le tribunal administratif de Lille acquiert un caractère définitif. En renonçant à son appel, la société requérante a renoncé à la seule voie de droit qui lui permettait de contester l’annulation partielle de son permis d’aménager. Le jugement du 23 mai 2024, qui n’est plus susceptible d’aucun recours ordinaire, est donc purgé de toute contestation et devient exécutoire dans toutes ses dispositions. L’annulation de l’arrêté municipal en tant qu’il autorisait la création d’une impasse non conforme est donc validée.
Cette issue procédurale, bien que ne donnant lieu à aucun débat sur le fond devant la cour, scelle le sort du projet d’aménagement. La société devra soit modifier son projet pour le rendre conforme au plan local d’urbanisme, en respectant les prescriptions sur les voies de desserte, soit abandonner cette partie de l’opération. L’arrêt, bien qu’étant une simple décision de procédure, a donc une portée pratique considérable en ce qu’il confirme la victoire contentieuse obtenue par les riverains en première instance.
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II. La persistance du pouvoir d’appréciation du juge sur les frais accessoires
Bien que l’instance principale soit éteinte, le juge d’appel demeure compétent pour statuer sur les demandes accessoires, et notamment sur celles présentées au titre des frais de justice. Il exerce alors un pouvoir souverain pour décider, en équité, de la suite à leur donner.
A. Le maintien de la compétence du juge pour statuer sur les frais
Le désistement d’instance n’entraîne pas automatiquement le rejet des demandes relatives aux frais irrépétibles, régis par l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces conclusions, bien qu’accessoires au litige principal, survivent à l’extinction de celui-ci. Le juge reste saisi de la demande de la partie adverse tendant à obtenir le remboursement des sommes qu’elle a dû exposer pour sa défense, comme les honoraires d’avocat. La cour le confirme implicitement en examinant la demande des époux intimés et en y répondant par une décision expresse dans l’article 2 de son dispositif.
Cette règle garantit qu’une partie ne puisse échapper à une éventuelle condamnation au titre des frais de justice en se désistant stratégiquement juste avant l’audience. La partie qui a été contrainte de se défendre en appel conserve le droit de demander une compensation financière pour les frais engagés, même si le fond du litige n’est pas tranché. La justice administrative veille ainsi à ce que l’abandon de l’instance par le requérant ne cause pas un préjudice financier injustifié au défendeur.
B. Le rejet discrétionnaire de la demande en équité
Si le juge est tenu de statuer sur la demande, il n’est pas tenu d’y faire droit. En l’espèce, la cour rejette les conclusions des riverains en se fondant sur une appréciation souveraine des faits de la cause. Elle indique en effet que « dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées (…) sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ». Cette formule révèle que la décision est prise en équité, et non en application d’une règle de droit stricte. Le juge dispose d’un large pouvoir pour apprécier si la situation justifie ou non d’allouer une somme à la partie qui, techniquement, n’a pas perdu au fond puisque le désistement a mis fin au procès.
Plusieurs facteurs ont pu motiver ce rejet. Le désistement ayant eu lieu avant l’audience, les frais engagés en appel par les intimés ont pu être considérés comme limités. Le juge a également pu estimer que la confirmation du jugement de première instance, obtenue sans débat au fond, constituait une satisfaction suffisante pour les riverains. Cette décision rappelle que la condamnation aux frais irrépétibles n’est jamais automatique et dépend de l’appréciation globale du juge sur l’ensemble du dossier et le comportement des parties.