Par une ordonnance en date du 22 avril 2025, la présidente d’une chambre de cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur les conditions d’octroi du sursis à exécution d’un jugement annulant un permis de construire.
En l’espèce, une commune avait obtenu un permis de construire pour l’édification d’un centre technique, mais cet arrêté a été contesté par une association de protection du patrimoine. Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le tribunal administratif a annulé le permis de construire au motif d’une méconnaissance des règles de hauteur fixées par le plan local d’urbanisme. Le tribunal a par ailleurs rejeté la demande de la commune de surseoir à statuer pour lui permettre de régulariser ce vice, conformément à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. La commune a alors interjeté appel du jugement et a, par une requête distincte, sollicité le sursis à exécution de celui-ci, arguant du caractère sérieux de ses moyens d’appel et des conséquences financières et opérationnelles graves que l’exécution de l’annulation entraînerait.
La question de droit soumise au juge d’appel était donc de savoir si les moyens tirés d’un refus prétendument erroné de surseoir à statuer en vue d’une régularisation peuvent être qualifiés de suffisamment sérieux pour justifier la suspension de l’exécution d’un jugement d’annulation. La juridiction d’appel rejette la demande, estimant qu’« en l’état de l’instruction, aucun de ces moyens […] ne parait sérieux », ce qui fait obstacle à la suspension de l’annulation prononcée en première instance. Cette décision illustre la rigueur avec laquelle est apprécié le caractère sérieux des moyens, condition nécessaire au sursis à exécution (I), et confirme la portée limitée des arguments d’ordre économique face à une illégalité avérée (II).
I. L’appréciation rigoureuse du caractère sérieux du moyen comme condition du sursis à exécution
La décision commentée rappelle que l’octroi du sursis à exécution est subordonné à des conditions strictes (A), dont l’application au cas d’espèce démontre la marge d’appréciation du juge (B).
A. Le rappel des conditions strictes du sursis à exécution
L’ordonnance prend soin de viser les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative qui encadrent le sursis à exécution d’un jugement. Il en ressort que, pour obtenir une telle mesure, l’appelant doit démontrer que les moyens invoqués paraissent, « en l’état de l’instruction, sérieux ». Cette condition est fondamentale car elle exige une première analyse de la solidité juridique du recours au fond. Le juge ne se contente pas d’un doute ; il doit percevoir une probabilité raisonnable que le jugement attaqué soit annulé ou réformé.
La décision rappelle que le juge du sursis, après avoir analysé les arguments des parties, peut « se borner à relever qu’aucun de ces moyens n’est de nature, en l’état de l’instruction, à justifier l’annulation ou la réformation du jugement attaqué ». Cette formule souligne le caractère prima facie de l’examen. Il ne s’agit pas de juger l’affaire au fond, mais d’évaluer la plausibilité des arguments présentés à un stade précoce de la procédure d’appel, ce qui confère au juge un pouvoir d’appréciation important pour filtrer les demandes manifestement peu fondées.
B. L’application souveraine au cas d’espèce
En l’espèce, la commune ne contestait pas l’illégalité initiale, à savoir la violation des règles de hauteur. Son argumentation portait sur une erreur qu’aurait commise le tribunal en refusant de lui laisser la possibilité de régulariser cette illégalité. La commune estimait que ce refus était insuffisamment motivé et reposait sur une erreur de droit quant à la notion de « bouleversement » du projet.
Toutefois, la juge d’appel écarte ces arguments de manière lapidaire en affirmant qu’aucun d’eux ne « parait sérieux ». Cette concision démontre que, pour le juge du sursis, le débat sur l’opportunité d’une mesure de régularisation, qui relève largement de l’appréciation des juges du fond, n’est pas suffisant pour constituer un moyen sérieux justifiant de suspendre l’effet d’une annulation fondée sur une illégalité avouée. La critique d’un choix procédural du premier juge n’emporte pas la conviction quant à la réformation probable du jugement sur le fond.
II. La portée limitée des considérations économiques face à l’illégalité
La décision réaffirme la prévalence du principe de légalité sur les considérations matérielles (A), consacrant ainsi une solution protectrice de la règle d’urbanisme (B).
A. L’inefficacité des arguments financiers et opérationnels
La commune appelante avait fait valoir que l’exécution immédiate du jugement risquait d’entraîner des « conséquences difficilement réparables ». Elle invoquait la perte potentielle de subventions européennes, la mise en péril de marchés publics en cours d’attribution et la nécessité d’améliorer les conditions de travail de ses agents. Ces arguments visaient à satisfaire la seconde condition posée par l’article R. 811-17 du code de justice administrative pour les cas où l’annulation n’est pas en cause.
Néanmoins, la structure du raisonnement du juge montre que cette condition est examinée de manière subsidiaire, voire implicitement écartée, dès lors que la première condition tenant au caractère sérieux des moyens n’est pas remplie. Les difficultés financières et pratiques, aussi réelles soient-elles pour la collectivité, ne peuvent suffire à elles seules à paralyser les effets d’une décision de justice qui a constaté une violation de la loi. La hiérarchie des conditions est claire : le droit prime sur les faits économiques.
B. La confirmation de la primauté du principe de légalité
En refusant le sursis, la juge d’appel confirme que la possibilité de régulariser un permis de construire illégal, prévue par l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, est une faculté laissée à l’appréciation du juge du fond, et non un droit automatique pour le pétitionnaire. Le tribunal administratif avait estimé que la régularisation entraînerait un bouleversement du projet, un motif que la juge du sursis, « en l’état de l’instruction », ne considère pas comme manifestement erroné.
Cette décision, bien que procédurale, a une portée significative. Elle rappelle aux constructeurs, y compris aux personnes publiques, que le respect des règles d’urbanisme est une exigence fondamentale. Les mécanismes de régularisation existent pour corriger des vices mineurs, mais ils ne sauraient servir à contourner une annulation contentieuse lorsque le vice est jugé substantiel par le premier juge. Ainsi, la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme repose avant tout sur leur légalité ab initio, et non sur l’espoir d’une correction a posteriori.