Chambre civile, Cour de cassation, le 24 octobre 2024, n° 23-16.882

Sommaire rédigé par la Cour de cassation

La publication d’un acte autorisant l’incorporation de parcelles dans le domaine privé d’une commune n’est ni interruptive de prescription, ni de nature à vicier une possession en cours

Commentaire d’arrêt rédigé par l’IA :

Commentaire d’arrêt juridique : Cour de cassation, Troisième XXX civile, 24 octobre 2024

Introduction

L’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 24 octobre 2024 concerne la question délicate de la prescription acquisitive et de l’animus domini requis pour en bénéficier. La Société Industrielle et Agricole Mantaise (SIAM) a contesté la décision de la cour d’appel de Versailles qui avait rejeté sa revendication de propriété sur deux parcelles incorporées dans le domaine privé de la commune de [Localité 3]. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel en relevant que cette dernière avait faussement interprété l’élément intentionnel de la possession et les effets de la publication au service de la publicité foncière.

Sens de la décision

La Cour de cassation a examiné deux branches du moyen invoqué par la SIAM. En premier lieu, elle a clarifié le critère de l’animus domini, c’est-à-dire l’intention du possesseur de se comporter en propriétaire. La Cour a considéré que le fait pour la SIAM de savoir qu’elle n’était pas légalement propriétaire ne suffisait pas à exclure l’animus domini, car cette conscience est sans incidence dès lors que la SIAM avait l’intention de se comporter comme propriétaire (art. 2261 du Code civil). En second lieu, la Cour a estimé que la publication de l’acte d’incorporation au domaine privé de la commune n’interrompt pas la prescription acquisitive et ne vicie pas la possession (art. 2261 et 2272 du Code civil). Ainsi, avoir réalisé des actes matériels de possession pendant près de trente ans avant la publication de cet acte n’empêche pas la SIAM de prétendre à la prescription acquisitive.

Valeur de la décision

La décision de la Cour de cassation est critiquable quant à l’application de la notion d’animus domini, un point souvent complexe dans la jurisprudence. En rappelant que la conscience de ne pas être propriétaire est sans effet sur l’intention d’user du bien comme un propriétaire, la Cour réaffirme un principe en faveur d’une approche subjective de l’animus domini qui privilégie l’intention comportementale sur la connaissance du droit de propriété. Quant à l’appréciation des effets de la publication au service de la publicité foncière, la décision est cohérente avec les principes de la prescription acquisitive, garantissant ainsi la stabilité des relations juridiques et une certaine sécurité foncière. Toutefois, cette approche pourrait être jugée trop favorable aux possesseurs, au détriment des collectivités publiques.

Portée de la décision

La portée de cette décision s’inscrit dans le prolongement d’une jurisprudence antérieure favorable à une interprétation relativement souple de l’animus domini, préservant ainsi la possibilité de prescrire contre les biens des collectivités territoriales, sous réserve des conditions légales de possession. La cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles pourrait encourager davantage de propriétaires à revendiquer des droits de propriété sur des biens publics en invoquant la prescription acquisitive, renforçant en ce sens la nécessité d’une gestion rigoureuse du domaine public par les administrations locales. Au-delà, elle pourrait influencer le législateur ou les juridictions sur la nécessité de clarifier davantage les conditions et les limites de la prescription acquisitive des biens communaux pour éviter une insécurité juridique croissante dans la gestion du domaine public.

Conclusion

En conclusion, cet arrêt de la Cour de cassation souligne l’importance du comportement intentionnel dans l’acquisition de la propriété par voie de prescription, tout en assurer l’équilibre entre l’intérêt des possesseurs à stabiliser leur titre de propriété et celui des collectivités à protéger leur patrimoine immobilier.

Texte intégral de la décision :

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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